On s’en va chez Boucar !

Je suis fébrile.

Chéri dirait « pas du monde ». Certes. Je me fais happer par plein de souvenirs qui remontent à la surface. Des bons et des plus bouleversants.

Notre départ pour l’Afrique de l’Ouest approche à grands pas de lions…ou bonds de gazelles, c’est selon.

-Vous amenez les filles ?

Euhhh, oui (Je trouve la question étrange, même si à chaque fois, c’est oui).

Je me fais pourtant encore demander la question. Dimanche, venant d’un vendeur au magasin de meubles, je peux comprendre.

Le pauvre était disons…déboussolé d’apprendre que le continent africain serait notre prochaine destination familiale. Avec 2 fillettes et un bébé. Il s’est même assis sur son divan et a mis son discours de vente de côté.

Dépassé.

Il m’a sorti quelques arguments tarabiscotés avant de m’envoyer ceci :

-Si j’étais le grand-papa, je ne vous laisserais jamais partir ! riposte-il. Choqué. Trop dangereux, trop de maladies. Trop de n’importe quoi.

J’ai bien compris. Compris l’incompréhension.

Je suis capable d’en prendre.

On s’habitue à tout.

Le continent mythique

Il y a vingt ans je posais le pied sur le tarmac de l’aéroport de Bamako (capitale du Mali). Ce premier séjour de plusieurs mois m’a convaincu d’une chose. L’Afrique et moi on allait devenir copines. Des amies aux visions parfois différentes, mais des copines qui se respectent mutuellement. Des chums de filles qui s’envoient paître parfois.

Les séjours intermittents se sont succédés tous plus intenses les uns que les autres. D’abord sur une dizaine d’années pour des raisons professionnelles et ensuite se sont enchaînés des safaris-photos animaliers de grande envergure.

Onze pays au total (ouest-est-sud).

Les mythiques baobab.
Les mythiques baobab.

À la veille d’un retour en Afrique, je suis de nouveau confrontée à l’étonnement que suscite le continent mythique. Ou on s’y intéresse peu, ce qui me désole, ou alors on utilise le référent le plus populaire :

« Ah…vous allez chez Boucar ? ».

Ça doit faire déjà dix fois qu’on me sort cette phrase !

J’ai compris qu’en vingt ans, mon entourage qui m’imaginait jadis seule à errer à Tombouctou, me voit maintenant plutôt cool en train de prendre le thé et faire des salamalecs* avec des clones de Boucar.

On jase là.

L’image me plaît en tout cas.

L’homme qui ne voulait pas travailler pour des peanuts

Boucar Diouf est un Sénégalais d’origine qui fait dans la rigolade de

Boucar Diouf
Boucar Diouf

haute voltige. Grâce à sa carrière d’humoriste, de conteur et d’animateur (il adore les palourdes), il est l’un des premiers à nous parler avec autant d’amour de son pays d’Afrique de l’Ouest*.

Le charisme de Boucar désamorce bien des préjugés.

Moi, ça me fait du bien.

Voir tous ces gens tendre l’oreille à l’évocation du grand-père légendaire de Boucar est fascinant. Son authenticité et la fierté de ses origines sont notoires. Titulaire d’un doctorant en océanographie, il est un brillant (tu dis ?) vulgarisateur et ardent promoteur de sa région mère.

Grâce à lui, l’Afrique gagne en popularité et les préjugés perdent la leur.

Les gens qui prétendent « Vous allez chez Boucar » ne savent pas que c’est exactement ça !

Le Sine Saloum : un collier d’îles rurales

P’tit gars du Sine, Boucar raconte qu’il a été berger jusqu’à 15 ans. Il a poursuivi ses études afin d’échapper aux labeurs agricoles de la culture des arachides et parce qu’il ne souhaitait pas travailler pour des peanuts (je trouve qu’il se débrouille plutôt bien !).

 

La région du Sine Saloum
La région du Sine Saloum

La Famille Globe-trotteuse va rejoindre des amis dans ce coin du Sénégal rural : vous les connaissez, c’est la Famille Pirate. On les suit de près : l’hiver dernier en Martinique en visite sur leur voilier, un coucou en Provence durant l’été, puis le jour de l’an en Amérique, donc ça allait de soi de vivre le printemps en sol africain(!).

Nous logerons chez l’habitant, car sur l’île où nous demeurerons, le tourisme est plutôt rarissime, quoiqu’il se développe. L’unique moyen de transport pour aller d’îles en îles est la pirogue. Et l’unique moyen de transport terrestre reste une valeur sûre : la charrette et l’âne (juré, je ne conduirais pas !).

La planification d’un défi

Je dois veiller au grain pour que tous y trouve leur compte. Notamment bébé Laëtie qui va dormir dans sa nouvelle tente. Ella (7 ans) et Coco (5 ans) qui ne savent pas, mais seront fort populaires paraît-il.

Nos amis sur place, mentionnent qu’il n’est pas rare de voir un attroupement de plusieurs dizaines de personnes autour de leurs enfants blancs comme neige (bien, de la neige dans le bois, pas en ville s’entend).

Une des nombreuses plages tranquilles du Sine
Une des nombreuses plages tranquilles du Sine

J’envisage donc une aventure avec un grand A, comme dans Afrique.

Boucar, c’est promis, si je croise un Diouf, je lui dis que tu cultives des sourires québécois et que tu ne travailles pas pour… des peanuts !

Et si tu croises mon vendeur de meubles, tu veux bien le décoincer un peu ?

Signé

Maman Globe-trotteuse

 

Nous recherchons des « Mini Globe-trotteurs » jusqu’au 1 mars.

PS-Boucar Diouf est en spectacle partout au Québec ces temps-ci. Consultez son site ici.

PS-Le lendemain de la rédaction de mon texte, Boucar Diouf publiait une lettre ouverte « Ce que je dirais à un immigrant », lisez-la ici.

*En bref, les salamalecs sont des salutations, mais qui sont tout sauf brèves.

*Michel Mpambara aussi, dites vous ? Il est originaire du Rwanda, Afrique de l’est. Effectivement, il est un des premiers africains que l’on a pu voir de façon aussi soutenue depuis 1991, au Québec.

10 réflexions au sujet de “On s’en va chez Boucar !”

  1. Nous avons tous très hâte de lire le récit de vos aventures en majuscule! Votre audace tranquille nous fait du bien. Qui a envie de se contenter de vagues souvenirs de voyage? Seul le présent compte! Il y aura beaucoup à raconter et vos enfants reviendront riches, c’est certain, mais ce qui compte, c’est de partir à nouveau. Prenez des tonnes de photos et plongez avec délices dans tout ce que le fait de vivre pleinement le moment présent a de beau et bon.

  2. Je viens par la présente vous souhaiter un bon voyage dans le pays de la Téranga. Un terme Wolof qui désigne l’art d’accueillir un étranger. Si j’adore le Québec et le porte profondément dans mon cœur, c’est aussi parce qu’on s’y sent comme au Sénégal. Il y a cette omniprésence du rire comme médium de rapprochement et de socialisation qui unit mes deux appartenances.

    • Caroline, nous vous attendons avec impatience au Saloum. Pour vous endormir, vous entendrez soit le djembe des amis baye fall sur la plage ou les vagues qui viennent doucement s’échouer. La nuit, vous serez peut-être quelques fois réveillés par les 5 ânes derrière la maison mais même en pleine nuit, après un mois et demi je souris encore… Vous découvrirez aussi l’ataya que tu connais bien et dont je ne me lasse pas de participer. Et la Téranga dont parle Boucar…c’est touchant et intense. Les enfants sont heureux et Jean-Félix qui aura 20 mois tend maintenant la main comme un réflexe pour saluer son hôte. Bonne préparation et à la semaine prochaine! Nous vous attendrons sur la plage en cherchant votre pirogue…Caroline, dis à DOUDOU ou à Mammadou (votre piroguier) de nous appeler (cellulaire de nico- ils ont son numéro)lorsque vous serez à Djiffer et vous vous préparerez à traverser.

  3. Bonjour,

    Maman d’une petite de 3 mois, je dêcouvre votre blogue aujourd’hui. Vous dites que bébé dormira (a dormi !) dans une tente. J’aimerais bien savoir quel genre de tente. Je prévois un séjour en Haïti avec bébé et les maladies transmises par les moustiques, et des soins un peu moins accessibles, sont ce qui m’angoisse le plus.

    Merci ! Je continue ma lecture…

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