Île de Dionewar, Delta de Niominka, Voyage au Sénégal
J’ai besoin de temps pour digérer.
Pour saisir l’émotion, le sillon que trace un voyage dans mon fort intérieur.
J’ai une envie folle de raconter. Une ambition de transmettre un petit bout de vie d’ailleurs, ici.
L’Afrique me fait toujours autant d’effet depuis 20 ans.
Je ne me suis pas ruée pour écrire de nombreux textes sur notre séjour familial d’ il y a quelques mois au Sénégal. Je laisse émerger. La rentrée scolaire des dernières semaines a fait jaillir de ma mémoire, cette visite d’une matinée en classe…
Une classe de brousse ou du Québec, du pareil au même ?
Depuis trois semaines, avec mes enfants et Chéri nous côtoyons les insulaires de Dionewar. Mes filles de 11 mois, 5 ans, et 7 ans vivent au rythme de la brousse qui nous entoure. Installés dans la maison de locaux, nous partageons deux chambres et un peu de leur vie.
Ma copine Véro (qui vit au Sénégal et que nous visitons) savait que l’idée me plairait:
-Et si nous allions en classe avec nos enfants ? propose-t-elle.
Nous voilà partis en charrette (principal moyen de locomotion sur l’île) avec monsieur l’âne; récalcitrant comme capitaine!
Les bambins rient aux éclats de cette balade cahotique, moi je m’aperçois que laisser une bourrique contrôler mes allées et venues me laisse un brin inconfortable. Cependant, avec Véro, je ne peux qu’éclater de rire. On a vu pire lors d’un précédent séjour en pleine brousse.

Monsieur le directeur nous attend.Un grand homme, élégamment vêtu. Il nous introduit dans une classe de première année.
Marie-Anna et Ella 7 ans ainsi que Stan et Coco 5 ans se pressent sur un banc de bois aux côtés des nouveaux camarades. Ces derniers chuchotent tout en douceur. De la visite au teint pâle ce matin. Notre troupe d’enfants commence à être habituée d’être le point de mire. Ils sourient avec timidité: toujours gagnant comme laissez-passer pour copiner.
La leçon de madame Molly va commencer.
Cette superbe jeune femme au boubou éclatant a bien en mains la situation. Ce matin ils sont 53 sur les bancs d’école de cette classe. Ils ont en moyenne 6 ans. Aucun absent. Impressionnant.

Leçons de lecture & maths
Madame Molly demande qui veut venir au tableau faire la lecture aux camarades. Les enfants lèvent tous la main et leur regard enthousiaste en dit long: « Moi! Moi! »
Une mignonne fillette s’éxécute après un signe approbateur de la professeure. S’ensuit une leçon de mathématiques, on fait des « plus grand » et des « plus petit ». Marie-Anna et Ella accompagnent une écolière studieuse et appliquée.

Alternative aux ressources limitées, les exercices se font sur une ardoise qui sera effacée après à l’aide d’une éponge humide. Un sceau d’eau est disponible en avant de la classe pour les besoins de la cause.

Lorsque sonne la récréation, les garçons demandent à prendre une photo avec Coco. Elle consent tout en se perdant dans la marée de sourires.
Avant de partir, nous offrons au directeur du matériel scolaire. Ce dernier, touché, nous remercie et ajoute que la distribution sera adéquate.
-Vous savez les frais de scolarité coûtent l’équivalent d’un euro. Certains parents ne peuvent pas payer. Nous organisons une tombola dans le village pour ramasser la somme nécessaire et aider les enfants qui en ont besoin. ajoute-t-il.
Bien que mes souvenirs de visites dans des écoles d’Afrique de l’Ouest sont bien en vie, je suis émue par le chaleureux accueil réservé à notre ribambelle.

Quels souvenirs garderont mes enfants d’une classe de brousse?
Le soir venu, lors d’un moment de tranquilité, je sens le besoin de reparler de l’expérience avec mes filles. Comment ont-elles vécue cela ? Ont-elles remarqué la décrépitude des meubles ? Les pieds nus de certains enfants? Le matériel scolaire peu abondant?
Je tente de les faire ventiler à l’aide d’une question ouverte sur le sujet…
-Qu’est-ce que vous retenez de l’expérience en classe aujourd’hui les filles?
-Ella, 7 ans: -Wow! t’as vu maman, ils sont bien meilleurs que nous ! Ils savent lire en lettres attachées à 6 ans! Moi je voudrais une classe comme ça!
-Coco, 5 ans: -En plus, ils lèvent la main et veulent tous aller au tableau! Moi, dans ma classe, ce n’est pas comme ça…
À l’unanimité: « C’était super! Est-ce qu’on peut y retourner ? »
Et les murs défraîchis? L’espace restreint pour s’asseoir? La classe bondée ? pensais-je dans mon fort intérieur.
Rien.
Elles n’ont rien évoqué de tout cela.
J’ai alors réalisé que c’est ma vision d’adulte nord américaine qui dénote un biais de comparaison. Volontairement ou non.
Ce qu’elles retiennent? Une expérience géniale. Point. Pas de pitié, de pauvreté ou de « as-tu vu » ? Jamais, elles n’ont d’ailleurs reparlé de notre séjour à Dionewar en ces termes.
Pour elles, c’est différent. Point. Ni mieux, ni pire. Et vraiment cool en plus.
Ce matin là, c’est moi qui ai appris une leçon indélébile à cette école de brousse:
Tous ces enfants, noirs ou blancs, me font réaliser que mon regard d’adulte est trop teinté à mon goût.
Promis, je retiens la leçon. Je vais éclaircir mon regard un peu plus du côté enfant, en délaissant mon filtre analytique. Le plus grand bien, j’en retirerais.
Et vous, que retenez-vous ? Déjà vécu une expérience semblable ?
Signé,
Maman Globe-trotteuse








Tes histoires de voyage et photos sont extraordinaires. Merci de nous partager. En te lisant et observant tes photos j’ai eu la même leçon de vie. C’est une expérience formidable que vous vivez et qui laissera de belles valeurs à tes filles ainsi que remettre les nôtres à la bonne place! Merci encore Caroline!!!
Merci Mélanie, ça me touche que tu prennes de ton temps précieux pour m’écrire ton commentaire. Au plaisir….
En lisant ton article j’ai repensé à ma classe africaine, au Togo, où j’ai été prof volontaire pendant un mois. Je me souviens de toutes les bizarreries des profs, les enfants non-scolarisés qui viennent vendre aux élèves des trucs à manger pendant la récré, le fait de frapper dans les mains au lieu de toquer à la porte, le dynamisme appliqué des enfants, les fenêtres sans vitre à partir de petits trous dans les murs.
Une superbe expérience, absolument pas parfaite, mais très enrichissante.
Merci Tiphanya pour ce partage. Les expériences internationales nous marquent parfois pour toujours et nous forcent à réfléchir…ce qui est formidable en soi. J’essaie de me rappeller le plus possible le privilège d’être déstabilisée de la sorte, car ça veut dire que j’ai l’opportunité de voyager à tous vents. Au plaisir…
Ahhh Caroline, toujours un immense plaisir de te lire, on repassera pour le timing par contre car te lire après 1h de crise pour les devoirs ça donne le goût d’envoyer les miens au Zimbabwe lol! J’ai pouffer de rires à la mention des craies et ardoises car pensant bien faire lors de ma visite à l’école en Uruguay j’avais apporté des crayons (facile de transport) quel ne fut pas ma surprise quand je réalisais qu’ils n’avaient pas de feuilles lolll. Merci xx
Ah ah ah Annick, j’avoue que moi aussi après les devoirs, j’ai le goût de leur dire « Vous vous souvenez de notre visite en classe dans la brousse… »
Moi aussi, j’ai amené des crayons ! On m’a dit qu’ils utilisent parfois des cahiers, mais lors de ma visite, comme tu sais c’était les ardoises que nous utilisons. J’ai trouvé ça particulièrement écologique…
Merci de ta visite et bonne chance dans les devoirs avec tes enfants 😉