Honorable PM,
Cher Stephen,
Je vous adresse un mémo sympa, afin d’optimiser votre séjour à l’île des Dieux. Je sais que vous êtes en réunion importante à Bali (Indonésie) dans le cadre d’une mission de libéralisation du commerce chez les tigres asiatiques (dixit les communiqués).
En vous imaginant le sarong* autour de la taille, parmi les déesses balinaises et une bouffée d’encens, j’ai vu des étincelles.
L’an dernier, nous avons élu domicile à Ubud l’espace de quelques mois. Eu du bon temps en famille, quelques aventures rocambolesques assurément.
À ce titre, je vous offre ma contribution citoyenne :
1-Les torpinouches de visa pour Bali
D’abord, il faut aviser Francine au bureau qu’il est possible de renouveler son visa de départ sur l’île après le fatidique délai de 2 mois. Elle répétait qu’il serait impossible de demeurer à Bali plus de 2 mois (on avait déjà la location pour 6 mois !). C’est tout faux.
Faire affaire avec une agence accréditée sur place, qui se chargera de tout. Francine exigeait des billets aller-retour après 2 mois et n’en démordait pas pour émettre le visa initial *. Vu l’info reçue on avait choisi d’aller renouveler nos visas (x 4) en Malaisie (Kuala Lumpur).
Ce qui a donné une situations assez cocasse.
Si jamais ça vous arrivait post-mandat, sachez que sur la propriété de l’ambassade d’Indonésie à Kuala Lumpur, les hommes doivent se couvrir les jambes absolument*. Laureen (votre femme) pourrait être en minijupe et ce serait accepté.
Nous, non plus, on n’a pas compris.
J’ai refilé mon pareo de Bikini village à Chéri et tout le monde était content (sauf lui s’entend).
On a croisé un routard mal pris, qui a utilisé un sac poubelle noir sur les jambes et s’en est tiré à bon compte. On comprend le principe.
2- Méfiez-vous de l’atterrissage/décollage sur la courte piste avec vue sur l’océan
Bien beau être une fervente du tarmac, cette piste de décollage et d’atterrissage me donne la frousse (ex aequo avec le manège Expedition Everest de Disney).
Il faut comprendre que les Balinais sont hindouistes et que s’ils meurent, ils seront réincarnés.
Peut être pas vous Stephen.
Il y a quelques mois d’ailleurs, la compagnie Lion air s’est ramassée à la flotte avec tous ses passagers après avoir loupé le départ sur cette piste. Pas de commandant Piché à bord.
Tu ne veux pas prendre Lion air (vous non plus hein, retenez bien !).
Quoi qu’il en soit, paraît que votre aéronef personnel est pas mal du tout. Fraîchement repeint, le bleu a fait jaser (votre appréciation du bleu est indéniable pour nos lecteurs internationaux). Au Québec, on dirait un bleu ostentatoire.
Mais bon.
Je n’ai pas réussi à trouver son nom (à l’avion) malgré mes recherches laborieuses, si ce n’est Harper’s jet. Je suis déçue et vous propose plutôt un représentatif « Big one » parce que mes sources révèlent que Air Force One a été inspirante (É-UA) pour le bleu et le côté fancy.
Il ne doit pas y avoir de copyright sur une carlingue ?
Et copier le voisin, ce n’est pas particulièrement nouveau.
3-Vos crédits carbone
Bon Stephen, l’affaire c’est qu’au Québec aussi on a un Stephen*, avec un v toutefois (Steven).
Et il verse dans le vert. Un écolo-activiste-grano genre éveilleur de conscience.
Par sa faute, j’énerve mon équipage avec la récupération. À Bali, il y a un fragile programme de recyclage et on se donnait la peine de l’encourager, même si nos voisins trouvaient weird d’aller porter les poubelles ailleurs que sur le tas.
L’Indonésie chers lecteurs globe-trotteurs, c’est 40 heures de voyage dont un bon 24 dans les airs.
4 vols depuis Québec.
Monsieur le Premier Ministre, afin que vous soyez bien accueilli, j’ai calculé les crédits à acheter chez Carbone Boréal pour minimiser les effets environnementaux.
Faites pas le saut.
Il faudrait 4864 arbres pour compenser les émissions de CO2 (680 tonnes) d’un aller retour Ottawa-Denpasar (Bali) pour les 194 personnes de « Big One ». Ça tournerait autour de 38 132.64 $ canadiens. Un mince pécule pour vous refaire une santé écolo-médiatique.
4-Le côté économique
J’imagine vos stratèges vous préparant (trop) de topos.
Je vous résume l’essentiel. La blanchisseuse au coin de ma rue gagnait 2$/jour (car sur l’île, on fait lessive commune), le chauffeur de taxi 8$/jour.Un expat gérant d’hôtel 500$/mois
Ce n’est pas syndiqué disons.
Les cérémonies religieuses fort importantes constituent une des principales dépenses des familles balinaises. Toutefois, sur l’île des Dieux, seul endroit au monde où il y a plusieurs moussons par année, personne meurt de faim.
Les dames avec petits que l’on voit quêter un peu partout sur l’île viennent souvent d’un réseau organisé.
On a eu l’occasion d’aller faire les boutiques (Chéri n’en pouvait plus qu’il fait dire). Des kilomètres de family shop de souvenirs retrouvés…partout sur la planète !
Je ne vous mens pas.
En Martinique, je suis entrée dans une boutique où tout était fait à Bali. On y ajoutait « souvenir de Martinique » et le tour est joué. Récemment, une connaissance me montrait un souvenir d’Espagne. Je lui dis «… suis sûre que c’est fait à Bali. Je reconnais l’étoffe colorée ».
On regarde l’étiquette. Gotcha !. « Made in Indonesia ».
Tout ça pour vous dire de faire des réserves. Négociez pas mal. Sinon, ça risque de tuer le marché.
5-Oubliez toute référence à Mange, prie, aime
Parfois vous voulez être cool et parler d’une référence mondiale du style : « Oui, j’ai lu Eat Pray love »*(je ne pense pas que Yann Martel vous l’a envoyé celui-là*), mais prétendons que votre femme vous l’aurait recommandé (chick litt assurément).
Tenez ça mort.
Ils en ont assez d’entendre parler de cette histoire qui fait en sorte que des hordes (100 autobus par jour pour le petit village de Ubud) de Japonais(e)s débarquent pour acheter des pacotilles. Un jour à la piscine du voisinage, une anglaise m’a confié que Elisabeth Gilbert était sa locataire précédente.
Bien là que l’histoire a pris forme. Direct dans notre rue.
Appelez-moi, je vous partagerais les rumeurs.
6-À propos du Bali d’antan
Tout le monde (en tous cas les expats) affirment « Bali n’est plus ce qu’il était ».
Affirmatif, je suis l’une de ces nostalgiques.
Pour ma défense, si ça fait un bail que vous êtes venus, vous aurez un choc.
Comment dire ?
L’Indonésie a la réputation de vouloir combattre la corruption. Son plan d’urbanisation est chaotique (je vous laisse faire ou non le lien). C’est le plus gros qui l’emporte. Pourtant, il y a une loi qui stipule que seuls les Balinais peuvent posséder une terre. Point.
Alors, les proprios terriens contractent des baux de 25 ans avec possibilité de construire ce que tu veux dessus.
Cependant, si on se donne le temps, on arrive à retrouver l’essence : celle des vraies cérémonies, des amitiés, de l’authenticité qui peut faire défaut aux premiers abords. Et ça fait un peu oublier le décor de station balnéaire.
7-Le bahasa Indonesia.
Écoutez, c’est la moindre des choses d’y aller avec des Selamat pagi (Bonjour) à la tonne et des terimah kasi (Merci !).
Ella et Coco le baragouinaient en moins d’un mois. Cette langue peut sembler bizarre, mais en fait elle est parlée par 140 millions de personnes (ouaip !).
Retenez 3 trucs :
1-Il n’y a pas de genre.
2-Les sentences de phrases sont pas mal comme en français (sujet-verbe-complément).
3-Au pluriel, on double le vocable. Je marche « Jalan », on marche « Jalan Jalan ».
De toutes façons, les insulaires sont si gentils qu’ils ne s’offusqueront pas si votre accent ottavien* prend le dessus.
Terimah Kasi pour votre attention,
Signé,
Maman Globe-trotteuse
* Le sarong est une jupe traditionnelle unisexe portée particulièrement lors des cérémonies hindouistes.
*Parfait, vous achetez les fameux billets d’avion aller-retour pour la preuve à l’ambassade, MAIS vous les achetez remboursables. Un peu plus cher, mais vous pourrez procéder un coup arrivés à Bali.
* Steven Guilbeault de chez Equiterre.
* L’Indonésie est le plus grand pays musulman du monde.
* De 2007 à 2011, Yann Martel auteur notoire (Life of Pi) récipiendaire du Booker Prize a envoyé au PM un livre par deux semaines. Il a reçu quelques accusés de réception. Il a cessé depuis. Moi, je voudrais bien savoir quel bouquin fétiche avec le voyage en trame de fond, Yann me conseillerait.
*Mange prie aime (Eat, pray,love) est un film qui a cartonné à l’écran mettant en vedette Julia Roberts et Javier Bardem. Une histoire d’amour d’une riche américaine, belle, fine et capable qui a tout laissé tomber (!WTF ?) pour aller se chercher à Bali. Oui, elle s’est trouvée. C’est justement là le problème; maintenant ce « profil » de personnalité planifie un voyage vers Bali pour les retrouvailles intrinsèques.
*Moi non plus je ne savais pas, mais c’est bien Ottavien (d’Ottawa, la capitale canadienne). Mieux qu’Ottawaien j’imagine. Bien que.